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Cardinal de Bonzi (1631 - 1703)
Parmi les personnages importants qui ont gravité autour de Pierre-Paul Riquet, le Cardinal de Bonzi figure au premier plan. Président des États du Languedoc, il aura eu l’honneur de présider aux cérémonies de l’inauguration du Canal en mai 1681, Riquet étant mort en octobre 1680.
Personnage très influent de par ses relations avec Louis XIV, présent à Saint-Jean de Luz lors du mariage du roi, grand aumônier de la reine, et très lié au clan Colbert. Il obtint ainsi l’évêché de Béziers (1660), ensuite l’archevêché de Toulouse (1669), enfin de Narbonne (1672) et donc sa nomination de Président des États du Languedoc.
Grâce à cette notoriété nationale, mais aussi régionale, ses deux sœurs épousèrent, l’une René Gaspard de La Croix, marquis de Castries, l’autre le marquis de Caylus, gouverneur de Montpellier. Riquet put bénéficier de son soutien dans son entreprise. Son implantation locale se manifesta aussi par de nombreux embellissements : à Béziers, à Narbonne ou dans les abbayes d’Aniane ou de Valmagne.
Parallèlement, le Cardinal mena une importante carrière diplomatique tant à Rome, qu’en Pologne, ou en Espagne. Ses différentes activités ne l’empêchèrent pas cependant, de mener une vie privée des plus sulfureuses, ainsi sa liaison avec Madame de Ganges, née Jeanne de Gévaudan, de notoriété publique finit par indisposer le roi, entrainant sa disgrâce.
Le Cardinal de Bonzi mourut à Montpellier et fut inhumé dans la cathédrale de Narbonne le 11 juillet 1703. Outre son origine italienne, les multiples facettes de ce personnage influent et intrigant m’ont autorisé à lui attribuer l’épithète de Mazarin du Languedoc (Auta n°15, Mai 2010).
H. de Roaldès, Président de l'association
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Sébastien Le Prestre, Marquis de Vauban, Maréchal de France (1633 - 1707)
Du petit morvandiau au Maréchal de France : quelle fulgurante, quelle stupéfiante ascension ! Il est vrai que le jeune Sébastien déborde de fougue, d’énergie et de volonté de réussir, voire de briller.
A vingt-deux ans, il est déjà capitaine d’infanterie et ingénieur de Sa Majesté Louis XIV, et affiche un goût marqué pour la poliorcétique (art de mener un siège militaire offensif ou défensif). Il devient donc tout naturellement le disciple du Chevalier de Clerville, sur le point d’être promu commissaire général aux fortifications, et sous les ordres duquel il fait son « noviciat ».
À son entregent, voire sa suffisance, de « jeune loup » roublard, trop sûr et fier de soi-même, écrit Anne Blanchard dans son remarquable ouvrage intitulé VAUBAN, (Librairie Fayard, 1996), s’ajoutent son habileté d’ingénieur, son endurance à toute épreuve, sa puissance de travail extraordinaire servie par une rapidité intellectuelle remarquable et par une non moins admirable résistance physique !
C’est pourquoi, bientôt, l’élève dépasse le maître et fait preuve de ses admirables qualités de preneur de villes. Il devient à son tour commissaire général aux fortifications de France et part dans des chevauchées fantastiques d’un bout à l’autre du royaume pour inspecter et diriger les innombrables ouvrages qui lui vaudront une réputation bien gagnée ainsi que l’estime du roi. Il tiendra de nouveaux sièges, conduira de nouvelles campagnes et assoira moult fortifications au gré des victoires ou des défaites du Roi-Soleil pour gagner enfin, à soixante-dix ans, son bâton de maréchal !
Mais Vauban est aussi - et surtout pour notre canal - celui qui lui apportera les aménagements indispensables, surtout les contre-canaux, conduisant les eaux de ruissellement et les ruisseaux en sous-œuvre du chemin qui marche, grâce à cinquante aqueducs sur le modèle du Répudre, ouvrages qui sauveront le chef-d’œuvre de Riquet de l’ensablement. Il choisira aussi définitivement le port de Cette comme débouché méditerranéen du canal, rehaussera le grand mur du barrage de Saint-Ferréol et procédera à la percée des Cammazes qui portera son nom.
Alors, il était grand temps, en 2008, trois siècles après sa mort, que l’UNESCO consacre enfin son grand œuvre qui donne envie de chanter : « Il est venu le temps des citadelles ! »
J.P. Janier, membre de l'association
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Antonio Verrio (1639 - 1707)
Au printemps 2010, le Musée des Augustins a organisé une exposition consacrée à Antonio Verrio (1636-1707) .
Ce peintre italien, originaire du sud de la péninsule, formé à Lecce, séjourne à Naples et en 1665 débarque à Toulouse. Il aurait été traqué par son épouse italienne qu’il aurait abandonnée. Il se lie d’amitié à Françoise Dangély (qu’il épousera plus tard) qui n’est autre qu’une cousine de Riquet (est-ce l’origine italienne de Riquet ?). Toujours est-il que Verrio et Riquet sympathisent et le voilà mécène du peintre, il le reçoit à Bonrepos et Verrio décore son salon (un fragment de cette peinture a été découvert et authentifié). Catherine de Milhau aurait même servi de modèle pour le visage de la Vierge, dans la peinture le Mariage de la Vierge.
Mais Verrio , infidèle à son mécène, exécute une carte du Canal à la solde d’Andréossy, alors en disgrâce auprès de Riquet. Colère de ce dernier qu’il manifestera dans une lettre adressée à Colbert, d’autant que cette carte était destinée à Louis XIV…
Cette carte a été exposée aux Augustins : elle représente la jonction de la Méditerranée à l'Atlantique, agrémentée d’angelots qui présentent les armoiries de Louis XIV. Apollon et les sept muses couronnent l’ensemble. Sa réalisation géographique est néanmoins exacte avec des noms de lieux très précis.
Verrio profitera de son passage à Toulouse pour réaliser des commandes dans plusieurs églises.
Ses relations avec son mécène toulousain se sont-elles dégradées ? Toujours est-il que Verrio part pour Paris en 1670, puis pour Londres où il fera beaucoup de décorations de châteaux et de palais.
H. de Roaldès, Président de l'association
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Jean-Baptiste Colbert (1619 – 1683)
Sans Colbert, il n’y aurait sans doute pas eu de canal. Né en 1619 à Reims, cet homme que Mme de Sévigné avait surnommé « le Nord », fut pendant 22 ans, le principal ministre du roi Louis XIV. S’il commença sa carrière comme commis au ministère des Finances, il parvint rapidement au poste de contrôleur général des Finances en évinçant Fouquet, cumulant également la plupart des postes clés du royaume pour devenir ainsi l’un des ministres les plus puissants de l’Ancien Régime. L’homme était un gros travailleur, dévoué à la gloire royale, grand organisateur et surtout doué d’une intelligence visionnaire.
Lorsqu’il arriva au pouvoir en 1661, secondant un jeune roi de 23 ans, l’économie du pays était fragile et vulnérable, aussi voulut-il créer une France puissante, productrice et exportatrice. Pour cela il lui fallait l’irriguer par des moyens de communication fiables. Le projet de canal que Riquet lui présenta en 1662 arrivait à point nommé.
Au début de leur collaboration, les deux hommes se reconnurent comme étant de la même trempe, de la même classe sociale et avec les mêmes aspirations pour la France. Colbert fut un véritable appui pour Riquet, mais au fur et à mesure de la construction du canal, il fit montre d’une suspicion à l’égard de son entrepreneur, en particulier sur les dépenses afférentes au chantier, obligé comme il l’était, de faire face à celles, considérables, du Roi tant pour Versailles que pour ses nombreuses guerres. Riquet eut à souffrir de cette méfiance. L’attitude du ministre altéra la fin de son existence, et une des conséquences en fut la dette abyssale qu’il légua à ses fils.
Colbert mourut trois ans après Riquet, mais il laissait un héritage politique, économique et culturel immense : la création de compagnies commerciales, la refonte de la Ferme générale, une multitude d’académies et de manufactures, une puissante marine et surtout un dirigisme étatique et protectionniste, le « Colbertisme ». Quant à Riquet, curieusement, son canal est le premier cas de partenariat public-privé, dont le principe même, essentiellement libéral, est aux antipodes de l’interventionnisme économique de ce tout-puissant ministre. Cette association novatrice qui a permis la construction du canal des Deux-mers restera toujours attachée à la mémoire de ces deux hommes d’exception.
Monique Dollin du Fresnel, membre de l'association et descendante de P-P Riquet.
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Thomas de Scorbiac (1614 - 1690)
Né à Montauban, docteur es-lois à quinze ans devant l’académie de Cahors, Conseiller en la Cour du Parlement de Toulouse et Chambre de l’Edit du Languedoc siégeant à Castres, Thomas de Scorbiac y succéda à son père et à son grand-père.
Il était contemporain de Riquet et entretint des rapports assez étroits avec lui dans les années 1662 à 1665 au point de croire à une association dans un projet de navigation entre les «deux mers» par cours d’eau naturels (Aude, Agout, Tarn, …Aude), situant le point de partage des eaux à Graissens, au sud de Saint Félix de Lauragais. Ce projet privilégiait la région de Castres.
A la lumière des travaux de recherche de Monsieur Michel Adgé* et de quelques archives familiales, l’auteur des présentes lignes, descendant direct de ce personnage, s’est intéressé à cette histoire et en fait ici un résumé très succinct.
Après que Thomas de Scorbiac eut effectué la remontée du Tarn, de l’Agout et du Sor le 22 juillet 1662, en compagnie d’officiers de la navigation, il envoya son mémoire sur le sujet au secrétaire d’Etat Phélypeaux de La Vrillière et au chevalier de Clerville en septembre 1662, soit deux mois avant celui, presque semblable, que Riquet adressa directement et plus efficacement, à Colbert lui-même. L’on peut noter aussi que le père et le grand-père de Thomas avaient fait des propositions semblables à Richelieu en 1632 et à Henri IV en 1602, comme d’autres l’avaient proposé auparavant, tel le géographe Strabon du temps des Romains.
En accord avec le pouvoir central, Thomas de Scorbiac se lança dans la construction d’écluses sur l’Agout en avançant lui-même de fortes sommes. En 1665, il était en train d’acquérir les terres du Fajal, avec les métairies du Conquet et du Picou, dans la Montagne Noire, lorsque Riquet y fit creuser « de longues fosses de circonvolution » destinées à recueillir les eaux nécessaires à la rigole de la Montagne, ce qui amena Thomas à adresser de vives récriminations contre Riquet auprès de Colbert. Récriminations qui portaient sur le creusement de rigoles qui «mettront ses prairies à sec», mais aussi sur la défaillance de Riquet dans l’aménagement de l’Aude, aménagement qui incombait, selon lui, à ce dernier.
Lorsque Riquet réussit à conduire les eaux de la Montagne Noire jusqu’au seuil de Naurouze, Thomas comprit que son propre projet, favorable au pays castrais, ne supportait pas la comparaison avec ce que Riquet voulait réaliser et qui deviendra le Canal du Languedoc, reliant Toulouse à la Méditerranée. Il abandonna ses travaux en 1668.
Philippe de Scorbiac
* Comme on le sait, Monsieur Michel Adgé a soutenu fort brillamment, en décembre 2011, sa thèse de doctorat d’état en histoire devant l’Université de Montpellier III : La Construction du Canal Royal de la jonction des mers en Languedoc. Le chapitre V du premier tome de cette thèse est intitulé: La Navigation de Scorbiac. Monsieur Michel Adgé avait rencontré en 1982 (vingt-neuf ans auparavant) feu Joseph de Scorbiac en lui faisant part d’une partie de ses découvertes et il avait aussi consulté quelques archives familiales. L’auteur des présentes lignes, s’intéressant tout de même à l’histoire de sa propre famille, a fait usage de quelques éléments de la correspondance découverte après le décès de son père (1994), pour rédiger un article sur ce sujet. L’article était destiné à ses proches mais, à la demande d’un cousin membre de la Société Archéologique Scientifique et Littéraire de Béziers, il a été publié dans le volume IV édité par ladite Société en 2000. En tout état de cause, il a toujours été fait référence aux sources utilisées et tout particulièrement aux découvertes de Monsieur Michel Adgé, datant de 1982.
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Charles d’Anglure de Bourlémont (1605-1669)
Il y a eu 350 ans le 7 novembre 2014, se tenait à Toulouse la première réunion de la commission que le Roi avait chargée de trancher sur la possibilité ou l’impossibilité de relier la Garonne à la Méditerranée par un canal de navigation. Cette commission était composée d’une part de représentants du Roi et d’autre part de délégués des Etats de Languedoc. Elle était présidée par l’archevêque de Toulouse, Charles d’Anglure de Bourlémont.
Qu’est-ce qu’un archevêque venait donc faire dans une commission a priori à caractère technique ?
Il faut se souvenir qu’au 17° siècle les évêques et les archevêques jouaient un rôle politique aussi important, si ce n’est plus, que leur fonction religieuse. Tout d’abord ils étaient nommés par le roi lui-même, le pape se bornant à officialiser leur nomination. Ensuite l’entité territoriale qu’ils administraient au plan religieux, le diocèse, était aussi le cadre de l’administration civile. C’est une assemblée civile présidée par l’évêque qui décidait chaque année de la répartition de la taille, impôt royal, entre les différentes communes du diocèse. Mais les évêques jouaient aussi un rôle important au niveau de la Province : aux côtés des représentants de la noblesse et de ceux du tiers-état, ils participaient chaque année à l’assemblée des Etats de Languedoc dont l’une des fonctions les plus importantes était de voter la contribution spécifique de la Province aux finances royales, le « don gratuit ».
Qui était donc ce Charles d’Anglure pour présider une commission qui aurait à traiter d’une voie de navigation ?
Louis XIV l’avait nommé deux ans plus tôt à l’archevêché de Toulouse à la mort de l’érudit Pierre de Marca. Il était le rejeton d’une vieille lignée lorraine. Il avait débuté sa carrière ecclésiastique à Rome où Mazarin l’avait envoyé représenter la France dans un tribunal papal, puis il avait été nommé à l’évêché d’Aire sur l’Adour avant d’être nommé à celui de Castres où il s’était employé à réduire l’influence de la communauté protestante dans ce diocèse très marqué par le calvinisme. Avec sa nomination à Toulouse il avait accédé à la présidence des Etats de Languedoc sous la pression de Colbert et du roi. C’est lui qui avait mis en route l’affaire du canal deux ans plus tôt en allant voir Riquet dans son château de Bonrepos près de Verfeil. Riquet lui avait expliqué son projet puis il l’avait amené sur le terrain pour lui en montrer les principaux éléments. D’Anglure avait été convaincu par tout ce qu’il avait vu et entendu et il lui avait alors ordonné d’écrire à Colbert. Depuis la mort de Mazarin, intervenue un an plus tôt, celui-ci était contrôleur général des finances du royaume. Sa tâche était de remplir les caisses de l’Etat et il estimait que le meilleur moyen pour y parvenir était de développer le commerce et l’industrie. De ce fait il s’intéressait fort à la navigation, aussi bien maritime que fluviale. Avant l’invention du chemin de fer et depuis la plus haute antiquité, la navigation fluviale était très développée en Europe car elle constituait le moyen de transport le moins cher, bien moins coûteux que par la route, que ce soit par chariots ou à dos de mulet. Homme jouissant de la confiance du cercle restreint du pouvoir royal, d’Anglure était nécessairement au courant des idées de Colbert et ce n’est certainement pas un hasard s’il lui adressa Riquet et s’il lui écrivit plusieurs fois pour appuyer le projet de ce dernier.
Une relation de confiance s’établit rapidement entre Riquet et d’Anglure et ce dernier soutiendra inlassablement l’action du premier tant auprès du roi et de son ministre que des Etats de Languedoc où les réticences étaient fortes. Lorsque les travaux du canal démarreront en 1667 c’est lui qui posera en grande pompe la première pierre de la première écluse à Toulouse au pré des Sept-deniers, ainsi que celle du barrage de St-Ferréol, et encore lui qui en 1668 inaugurera la rigole de la plaine par une navigation de Revel à Naurouze. Lorsqu’il mourra, l’année suivante, Riquet perdra un appui important. Il fut enterré dans la cathédrale St-Etienne où Riquet le rejoindra 11 ans plus tard. Sa pierre tombale est conservée par le Musée des Augustins à Toulouse. Il n’est que justice de lui rendre hommage en soulignant son rôle éminent au début de l’aventure du Canal. Il fut le premier qui fit confiance à Riquet.
Gérard Crevon
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